En 1878, L’amiral Mouchez succède à Le Verrier à la direction de l’Observatoire. Son prédécesseur, a mis en chantier plusieurs projets de grands instruments notamment la création d’une grande lunette de 74 cm d’ouverture et d’un petit équatorial coudé qui ne peuvent être installés sur le site, faute de place. Le toit du bâtiment Perrault est saturé de coupoles, les jardins abritent déjà le télescope de 120 cm et son abri, ainsi que les coupoles jumelles aménagées dix ans plus tôt, comme on le voit sur la première photographie. Par ailleurs, le quartier de l’observatoire a bel et bien commencé à se développer au sud, là où se fait l’essentiel des observations : le boulevard Arago vient d’être percé amenant trafic et éclairage de la voie publique, les constructions à proximité menacent de masquer le ciel et de troubler l’atmosphère avec les fumées des cheminées.
Depuis 1874, la ville de Paris a pourtant concédé à louer pour 100 F l’an, le terrain situé directement au sud, entre les jardins et le boulevard Arago. Cependant, elle y refuse l’installation d’instruments et l’observatoire craint à terme que la ville aliène ses droits pour y construire des maisons ou des édifices publics. « L’achat du terrain Arago est donc devenu indispensable non seulement pour assurer l’isolement et l’avenir de l’Observatoire, mais aussi pour fournir l’emplacement nécessaire à ces nouveaux instruments » écrit Mouchez dans une note du 7 mai 1880 (Ms 1065). Après 3 ans de tractations entre l’Etat et la Ville, la vente du terrain est finalement conclue le 22 décembre 1880 pour une valeur de 389.750 Fr. L’Observatoire gagne un peu de répit et projette l’aménagement, en plus de la grande lunette et du petit équatorial coudé, d’un abri pour le cercle de Fortin, d’une petite maison d’habitation pour le personnel et enfin de salles souterraines dans le fossé comblé qui sépare l’observatoire du terrain nouvellement acquis et relié par une pente régulière.
Trois ans plus tard, pourtant, la crise est de nouveau latente et le maintien de l’Observatoire au sein de la ville est remis en question. La situation s’est aggravée : des constructions de maisons à six étages aux abords de la rue St Jacques et de la place viennent d’être réalisées et le terrain fraichement acquis est rendu instable du fait des nombreuses et profondes galeries présentes dans le sous-sol. En conséquence, les projets de construction ne peuvent plus être réalisés. Mouchez, excédé de voir remis en question les activités et l’influence de l’Observatoire, demande la création d’une succursale dans les environs de Paris et propose de la financer en vendant tous les terrains autour de l’Observatoire, qui n’avaient comme seul but que de l’isoler.
Sur notre photo de 1891, l’Observatoire est toujours là, le terrain vague a bien disparu transformé en jardin mais n’a pas fait place aux constructions promises, à l’exception d’un nouveau bâtiment sur la gauche accueillant le grand équatorial coudé de Loewy : un compromis semble avoir été ainsi réalisé. L’attachement au site, la création récente de l’observatoire de Janssen à Meudon, et sans doute plus vraisemblablement des considérations budgétaires, ont évité son démantèlement. La participation à des travaux scientifiques d’envergure tel que l’Atlas photographique de la Lune ou encore à la Carte du Ciel dans les années à venir prouveront cependant qu’en dépit d’un site urbain désormais inadapté aux observations, l’Observatoire de Paris a su asseoir sa place de leader dans les projets internationaux et s’affirmer dans une recherche d’excellence tout en restant dans son cadre originel .
Emilie Kaftan
Dernière modification le 27 mai 2016