Les objets transneptuniens (OTN) et les Centaures sont des petits corps glacés en orbite autour du Soleil. Ils évoluent aux confins du Système solaire, au-delà de Neptune pour les uns et entre Jupiter et Neptune pour les autres. Ce sont les corps les plus primitifs connus du Système solaire. Il y a une vingtaine d’années, on ne savait rien d’eux. Les techniques de détection n’étaient alors pas suffisamment avancées. Depuis leur découverte marquante en 1992, plus de 1600 de ces objets ont été détectés à ce jour et l’on estime qu’il en existe plus de 30 000 d’une taille supérieure à 100 km. À travers leur étude, l’enjeu est une meilleure compréhension de la composition de la nébuleuse primitive et des processus à l’œuvre dans les premiers temps de l’histoire du Système solaire.
La caractérisation des objets transneptuniens et Centaures constitue un axe de recherche du Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique – LESIA (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC-Université Pierre et Marie Curie/Université Paris Diderot). Ainsi, le département scientifique s’est impliqué dans un programme clé [2] de Herschel dédié à l’observation de ces objets à l’aide de deux instruments : les photomètres imageurs Photodetecting Array Camera and Spectrometer - PACS et Spectral and Photometric Imaging Receiver - SPIRE [3].
Un article à paraître dans la revue scientifique Astronomy and Astrophysics révèle des données inédites sur neuf objets, les plus brillants observés dans ce programme. Ils appartiennent à différentes classes dynamiques. L’échantillon comprend notamment : la planète naine Haumea, deux transneptuniens parmi les plus gros (Orcus et Quaoar), et les deux plus grands Centaures connus à ce jour (Chiron et Chariklo). Les données acquises permettent de mesurer avec une précision inégalée et dans un domaine spectral jamais encore observé leur taille, leur pouvoir de réflexion de la lumière solaire (albédo) et leurs propriétés thermophysiques.
Quaoar, découvert en 2002, est un objet de la population classique des transneptuniens. Il a un petit satellite, Weywot. Les observations de Herschel, combinées à celles du télescope Spitzer de la NASA, ont permis une mesure plus précise de leur taille : Quaoar affiche un diamètre de 1070±38 km et son satellite, un diamètre beaucoup plus petit de 81±11 km. Une densité d’environ 2,2 g/cm3 (comparable à celle de Pluton) en a été déduite, invalidant une estimation antérieure très élevée à 4,2 g/cm3. Elle indique la présence d’abondantes quantités de matériaux rocheux alors que la surface est riche en glace d’eau.
Orcus de son coté est un objet de type « plutino » : le demi-grand axe de son orbite autour du Soleil est le même que celui de la planète naine Pluton. Il est aussi doté d’un satellite, Vanth. Les données de Herschel ont permis de déduire la taille d’Orcus : 917±17 km, et de Vanth : 276±17 km. L’albédo avoisine 23% et la densité 1,53±0,15 g/cm3. Cette dernière indique la présence d’une forte abondance de glace d’eau à l’intérieur d’Orcus.
Pour la planète naine Haumea, il a été confirmé qu’elle possédait une taille comprise entre 1180 et 1308 km et une forte valeur d’albédo : 80 %.
Un résultat marquant obtenu lors de ce programme est que ces petits corps apparaissent de plus en plus « froids » aux grandes longueurs d’onde. Ceci s’interprète par le fait que ces radiations proviennent du sous-sol, et non de la surface elle-même. Les matériaux enfouis en profondeur reçoivent moins de rayonnement solaire pour les chauffer. Et le regard particulier du télescope Herschel donne accès à de nouvelles régions d’ordinaire inobservables en lumière visible classique.
Depuis un peu plus de vingt ans, la découverte et la caractérisation d’une vaste population d’objets glacés qui évoluent dans les régions externes du Système solaire constituent un domaine à la pointe de la recherche en planétologie. Herschel apporte sa pierre à l’édifice. Il l’éclaire d’un jour nouveau, infrarouge et froid.
Référence
Article de Sonia Fornasier, Emmanuel Lellouch, Thomas Mueller et coauteurs à paraître dans Astronomy & Astrophysics, sous le titre « TNOs are Cool : A survey of the Trans-neptunian region. VIII. Combined HERSCHEL PACS and SPIRE observations of 9 bright targets at 70-500 micron ».
Partenaire
Ces travaux ont été financés par le CNES
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[1] Le Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique – LESIA est un département de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’université Pierre et Marie Curie - UPMC et à l’université Paris Diderot.
[2] Sous l’intitulé "TNOs are Cool : a survey of the Transneptunian region", ce programme de Herschel a consacré 370 heures à l’observation de 130 objets au total.
[3] Les instruments PACS et SPIRE ont fourni chacun des mesures de flux dans le submillimétrique, à trois longueurs d’onde dans le domaine 70 - 500 micron, de ces objets célestes froids, dont la température de surface est d’environ 40 K (-233 C). Tous les objets ont été observés avec PACS à 70, 100, et 160 micron, et seuls, les plus brillants, avec SPIRE à de plus grandes longueurs d’ondes (250, 350, et 500 microns)
Contact chercheur
Observatoire de Paris
Sonia Fornasier
Maître de conférence de l’université de Paris Diderot
LESIA
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Contact presse
Observatoire de Paris
Frédérique Auffret
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Dernière modification le 21 décembre 2021