Certaines des plus anciennes galaxies du cosmos renferment trois fois plus de matière ordinaire - et donc beaucoup plus d’étoiles - que tous les modèles d’évolution astrophysiques actuels ne le prédisent. Cette conclusion provient de l’équipe internationale Atlas3D menée par un chercheur de l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et qui inclut cinq scientifiques français de l’Observatoire de Paris, du CEA, du CNRS et de l’Université de Lyon. Les travaux s’appuient sur l’observation sans précédent d’un échantillon de 260 galaxies évoluées, elliptiques et lenticulaires, distantes de moins de 135 millions d’années-lumière et de masse supérieure à l’équivalent de 6 milliards de soleils. Les mesures combinées d’imagerie et de spectroscopie à deux dimensions (intégrale de champs) ont été menées au télescope William Herschel de 4,2 mètres à La Palma, dans l’archipel des Canaries. Les chercheurs en ont tiré des données inédites sur les populations d’étoiles qui composent ces univers-îles et sur leur mouvement. L’analyse et les simulations ont porté sur la cinématique et la dynamique.
Résultat : les modèles, qui supposent depuis plus de 50 ans que la lumière reçue d’une galaxie est liée à sa masse, sont à revoir. En outre, une nouvelle énigme surgit et reste à creuser : comment les galaxies nées dans les tout premiers moments de l’histoire de l’Univers peuvent-elles s’être développées et avoir pris du poids aussi rapidement ?
La lumière issue des galaxies est l’arbre qui cache la forêt. Elle reflète les étoiles les plus massives et brillantes, géantes et supergéantes. Une composante reste donc éclipsée. Les galaxies peuvent contenir énormément de petites étoiles qui représentent une quantité de matière importante mais ne se voient pas, car elles émettent peu de rayonnement.
Jusqu’à maintenant, les théories supposaient que la lumière captée par les instruments pouvait être utilisée pour calculer la masse totale des populations d’étoiles d’une galaxie. L’étude suggère, au contraire, que les galaxies sont toutes différentes les unes des autres. Certaines mêmes contiennent beaucoup plus d’étoiles et paraissent bien étranges.
Outre la luminosité, le second paramètre fondamental à appréhender pour bien cerner les galaxies est donc leur masse. C’est elle que les modèles prédisent. Cependant, jusqu’ici, il s’est avéré difficile de calculer la contribution des étoiles car impossible de connaitre avec précision la part de la fameuse matière noire qui emplit les halos périphériques de galaxies sans que l’on en connaisse ni la nature, ni l’origine. Diverses tentatives ont ici échoué.
La nouvelle analyse présentée a réussi grâce à la cartographie de la dynamique stellaire de nombreuses galaxies, combinée aux modèles numériques. En distinguant pour la première fois la masse des étoiles et la matière noire, il a été montré que la relation entre lumière et masse est loin de constituer une loi universelle. Elle varie de galaxie en galaxie. Certaines vieilles galaxies, lenticulaires et elliptiques, sont trois fois plus massives qu’on ne croyait.
La question de comment traiter la lumière d’une galaxie pour en déduire la masse de l’astre est un problème ancien et a été longuement débattu. Sa résolution passe par la détermination de la « fonction initiale de masse » sorte de pédigrée originel de chaque galaxie. Il devient dorénavant possible de mieux répondre en s’affranchissant du comportement méconnu et entaché d’incertitudes de la matière noire.
L’étude indique qu’il reste beaucoup à découvrir sur la façon dont les galaxies, et l’Univers primitif, ont évolué. Une partie de l’histoire de ces galaxies se trouve inscrite dans leurs populations en étoiles variées. La formation d’étoiles a été différente par le passé. Elle a semblé favoriser les naines plus propices… à l’apparition des planètes habitables.
Collaboration
Les chercheurs auteurs de l’étude travaillent à : l’université d’Oxford (Royaume-Uni), l’observatoire Gemini, l’université de Californie, Berkeley, l’Observatoire de Paris , au CEA Paris-Saclay, l’université du Massachusetts, l’Observatoire européen austral ESO, l’université de Leiden (Pays-Bas), l’Observatoire de Lyon, Max-Planck Institut fur extraterrestrische Physik et Max-Planck Institut fur Astrophysik (Allemagne), l’Institut de radio astronomie néerlandais et l’université de Groningen, l’Université d’Hertfordshire, l’université de technologie Swinburne, l’université de Toronto et l’Institut de technologie du Nouveau-Mexique.
Référence
A systematic variation of the stellar initial mass function in early-type galaxies, paru le 26 avril 2012 dans la revue Nature.
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Dernière modification le 21 décembre 2021